Créée pour offrir l’éducation pré-primaire aux enfants défavorisés de Chemin Grenier, l’APEDED a ensuite misé sur le social business pour autonomiser leurs mamans. Nouveau bond dans la vie de cette association : l’ouverture d’une classe spécialisée pour les élèves dits « slow learners ».
- Votre association a toujours œuvré dans le domaine éducatif mais elle est davantage connue pour son social business florissant de tisanes médicinales…
Anooradah Pooran : - L’APEDED, l’Association Pour l'Education des Enfants Défavorisés a été créée en 2005 pour donner l’accès à l’éducation pré-primaire aux enfants issus des familles vulnérables. Puis en 2006, nous nous sommes lancés dans le social business de tisanes médicinales. Nous avons toujours refusé l’assistanat et surtout encouragé l’autonomisation des mères de famille, tout en poursuivant bien entendu notre mission éducative.
Chaque année, nous scolarisons entre 35 et 50 élèves au sein de notre école pré-primaire et nous les suivons pendant toute leur scolarité, autant que possible. En primaire et au secondaire, nous les accompagnons, par exemple en finançant les leçons particulières, certains livres ou les fournitures scolaires, que les parents n’ont pas les moyens de payer. Au niveau tertiaire, nous soutenons 6 étudiants avec des bourses partielles, qui couvrent une partie des frais de scolarité (grâce à l’argent de la quête annuelle).
- Vous avez décidé de lancer une classe spécialisée, pourquoi cette démarche ?
Cette section de l’APEDED s’est ouverte en juin dernier à Chemin Grenier et compte 15 élèves. Depuis la création de l’école, nous avons accueilli quelques enfants en pré-primaire souffrant de déficiences mentales légères, d’autisme, de trisomie 21… Et j’ai vraiment été chagrinée de constater qu’à l’école primaire, ils régressaient, ils se refermaient sur eux-mêmes et qu’ils étaient canalisés vers des écoles spécialisées après 2 ou 3 ans.
Si un élève « slow learner » se retrouve dans une école spécialisée où tous les enfants souffrant de handicaps divers « cohabitent », il ne va pas progresser. Par imitation, les enfants vont même régresser en copiant les comportements d’autres. Par exemple, nous accueillons un enfant qui a passé le premier mois à se balancer d’avant en arrière sur sa chaise, car il reproduisait un comportement. Une jeune fille de 14 ans s’était mise à parler seule au téléphone avec des personnages imaginaires… Depuis qu’ils sont scolarisés chez nous, les parents constatent de grosses améliorations dans le comportement de leur enfant, car nous leur apportons le maximum d’attention. Et nous pourrions faire plus avec davantage de moyens.
- Quels moyens justement ?
Actuellement, nous avons deux enseignants pour lesquels nous devons pérenniser les emplois en trouvant des sponsors pour leurs salaires. Pour l’instant, nous ne sommes pas encore reconnus comme une école « Special Needs » par le Ministère de l’Education, nous avons donc besoin de trouver des financements pour rémunérer un psychologue… Et nous avons bien besoin d’un orthophoniste. L’infrastructure est là, l’équipement est là, reste à trouver des soutiens pour rémunérer le personnel.
- Votre rêve est-il d’avoir un jour une grande école, avec plusieurs classes, comme l’APEBS à Curepipe ?
Oui, la région Sud est peu dotée d’écoles spécialisées, les enfants doivent voyager loin... En effet, l’APEBS est un modèle et travaille avec beaucoup de professionnalisme. Mon rêve est de faire des miracles, une différence dans la vie future de ces enfants. Avec l’équipe, nous espérons qu’après les régressions qu’ont connues ces élèves, nous parviendrons à renverser la tendance ! Leur donner la chance de travailler sur le curriculum Mainstream et les présenter au CPE, dans quelques années. Ce travail de longue haleine ne pourra pas se faire seul, les sponsors seront essentiels.
- Et côté social business, l’activité fonctionne à plein régime à Maurice ?
A Maurice, une vingtaine de personnes travaillent directement pour les tisanes et une bonne trentaine cultivent les plantes médicinales que nous leur achetons. Ces tisanes « Secret Grand-Mère » sont vendues chez Winner’s, au Craft-Market du Caudan, au Duty Free à l’aéroport et sont exportées vers La France, L’Afrique du Sud, L’Angleterre, Madagascar et Les Seychelles.
- De même à Rodrigues ?
A Cité Patate, 19 employées travaillent à l’usine de fabrication de serviettes hygiéniques. Une partie de la production est vendue, une partie est offerte aux adolescentes rodriguaises, qui n’ont pas les moyens d’en acquérir. Nous avons aussi reçu une commande du Kenya et d’autres vont suivre, car une représentante rodriguaise a pu participer au MAITEX organisé par Enterprise Mauritius à Pailles. Le projet a suscité beaucoup d’intérêt. C’était une expérience extraordinaire pour cette femme, qui voyageait pour la première fois hors de Rodrigues. De la manière dont elle en parle, les rencontres avec les business men marqueront probablement sa vie !
- Et vous trouvez encore du temps pour soutenir d’autres projets ?
Tout est une question de time management ! L’an dernier, à la demande de la Ministre de la Sécurité Sociale, Sheila Bappoo, j’ai aidé le TEDPB (Training and Employment for Disabled Persons Board) à mettre en place un jardin médicinal à Calebasses. Une dizaine de variété de plantes sont cultivées sur place par des personnes porteuses de déficiences mentales et physiques, avec de très bons résultats.
Je suis là si des ONG ou des organisations ont besoin de soutien pour se lancer dans le social business, mettre en place des jardins médicinaux… Je pense notamment aux jeunes. Avec le travail de la terre, on peut transmettre beaucoup de valeurs, changer la mentalité d’un adolescent… Je parle aux plantes car je suis convaincue qu’il faut donner de l’amour aux plantes pour qu’elles poussent ! C’est cette philosophie aussi qu’il faut transmettre, faire germer dans l’esprit des jeunes...
APEDED : Tel : 5 773 6443 ou 622 2542 ou 670 1943
« Retour à la page Actus