Sans investissement sur l’éducation, pas de promotion sociale envisageable entre générations. Partant de ce constat, Anges du Soleil a tissé une chaîne de la solidarité pour offrir, entre autres, des bourses d’études dans des écoles privées à des enfants de Tamarin. Sylvie Gravil, manager, tire le bilan de la première année de fonctionnement de l’association et voit déjà l’avenir en grand…
- Pendant 5 ans, vous avez œuvré dans plusieurs ONG (Le Pont du Tamarinier, le Mouvement d’Aide à la Maternité, L’Ecole de Technicienne de Maison de Caritas Rivière Noire et le Lions Club), qu’est-ce qui vous a motivé à vous concentrer sur l’éducation ?
Sylvie Gravil : Mon expérience dans le domaine du logement social avec Le Pont du Tamarinier m’a montré la difficulté d’avancer dans ce secteur, notamment à cause des contraintes administratives. Et puis mon cheminement avec les familles sur le terrain m’a convaincu qu’à Maurice, la misère est davantage morale, psychologique que financière. Je crois qu’il y a un grand besoin en terme de formations, et des formations adaptées aux évolutions de la vie, aux défis de 2015 et des années à venir. Les parents font ce qu’ils peuvent pour encadrer leurs enfants avec leur vécu, leur bagage… Le progrès social se fera sur une génération. L’enfant d’aujourd’hui fera la société de demain. C’est donc sur les enfants qu’il faut se pencher avec une vision de long terme…Heureusement les premiers résultats sont déjà appréciables au bout d’un an. Je pense notamment aux tout-petits que nous accompagnons. Chacun grandit à son rythme et en fonction de sa personnalité, mais des évolutions encourageantes s’observent déjà !
- Vous parliez de vision à long terme. En finançant un cursus dans des écoles privées pour des enfants de maternelle, vous vous engagez pour offrir une scolarité complète dans un système ?
Oui, nous nous engageons pour 15 ans au minimum, de l’école maternelle au baccalauréat. Deux enfants ont fait leur rentrée l’an dernier en pré-primaire à l’école française Paul et Virginie. C’est un partenariat et l’école, fait à notre ONG une remise de 50% sur les frais de scolarité et accorde la gratuité des frais d’inscription. Deux autres enfants du même âge (3-4 ans) sont entrés à La Case des Bambins toujours en partenariat aux mêmes conditions et rejoindront ensuite, au niveau primaire, West Coast International Primary School à Flic en Flac.
- Sur quels critères s’est faite la sélection des enfants boursiers ?
Déjà il y avait des critères de base : l’enfant devait habiter le village ou la cité de Tamarin pour une raison de transport par rapport aux écoles. Nous voulions aussi respecter la parité (autant de filles que de garçons), nous n’acceptions pas les familles dont un membre à un problème d’addiction (drogue ou alcool), car nous avions besoin du support des parents. Dans la charte des familles, nous avions mis aussi comme limite qu’il n’y ait pas de maltraitance envers les enfants dans la famille. Je ne suis pas en train de dire que les familles avec ces difficultés ne doivent pas être aidées, mais pas avec ce programme de bourses d’étude.
Nous avons aussi fait des visites de terrain et engagé dans la sélection 13 femmes bénévoles vivant dans les quartiers. Ces dernières ont bien insisté sur le fait que c’était le mérite de la famille qui devait primer, et pas son revenu. Cependant, nous avons fixé une limite de Rs. 25.000 mensuels pour les familles éligibles aux bourses scolaires. Avec ces critères, nous n’avions pas tant d’enfants éligibles. Des familles se sont même désistées, car nous leur demandions d’assumer pleinement leurs responsabilités vis-à-vis de l’école où serait scolarisé l’enfant : participation aux réunions, aux sorties… Par contre, les repas, les transports, les tenues vestimentaires sont offerts aux élèves, en plus, de la bourse scolaire. Et pour ne pas « assister » les familles, nous leur demandons de contribuer à hauteur de Rs. 600 par mois (ce qu’elles payeraient de toutes façons pour une école pré-primaire classique). Et c’est cette caisse commune, qui nous a permis de financer les soins dentaires et les lunettes d’autres enfants.
- Les sponsors ont compris votre démarche ou c’était difficile d’expliquer qu’avec un gros investissement vous alliez aider peu d’enfants ?
Disons que nous avons décidé de miser sur la qualité plutôt que sur la quantité. Les donateurs nous ont bien compris. Et nous ne faisons pas que les bourses d’études. Au total, nos différents projets touchent une cinquantaine d’enfants.
- Quels sont-t-ils ?
22 enfants entre 3 et 7 ans bénéficient d’un programme d’éveil et d’accompagnement scolaire, grâce à une équipe de 15 volontaires dont une professionnelle du développement corporel. Grâce à un partenariat avec le complexe sportif Riverland, 15 enfants apprennent une discipline gratuitement : le karaté, la danse, la natation ou la gymnastique. Et puis nous avons également tissé des liens privilégiés avec Stéphanie Jauffret, manager du centre équestre Cavalia : 5 adolescents de l’Atelier Technique de Caritas Rivière Noire montent à cheval une fois la semaine. Et deux apprentis sont placés en formation pour 1 an, dans les écuries. Avec une allocation à la clé et une possibilité que cela débouche sur un emploi.
- Anges du Soleil a donc aussi à cœur d’aider les jeunes à trouver leur vocation ?
Oui, nous venons également de passer un accord avec Rituals Spa à La Balise Marina à Rivière Noire en vue d’offrir une formation à deux jeunes filles. Le spa ayant beaucoup de perspective d’avenir…
- Et l’avenir pour Anges du Soleil, vous le voyez comment ?
Nous avons besoin de nous restructurer notamment pour que je puisse consacrer plus de temps aux recherches de financements. Nous avions initialement prévu d’offrir 4 bourses scolaires par an et d’intégrer 4 enfants supplémentaires dans les écoles privées, en plus des 4 que nous soutenons déjà. Malheureusement pour la prochaine rentrée, c’était sans doute trop ambitieux. Notre structure est jeune, ce qui freine peut-être encore les sponsors. Mais nous pouvons compter sur la « chaine de la solidarité », avec de généreux donateurs qui versent chaque mois une aide à l’association.
- Votre futur gros projet c’est aussi le bus éducatif pour lequel vous allez devoir mobiliser beaucoup de fonds…
Oui, l’Unité Mobile Educative nous permettra de rayonner dans la région Sud-Ouest et ensuite, pourquoi pas sur toute l’ile. Ce bus sera équipé de support informatique et d’animation pour différentes classes d’âge sur une même journée. Nous comptons toucher par groupe de 10, les enfants déscolarisés en matinée, les femmes au foyer, les scolaires après les heures de classe… Beaucoup de femmes n’ont pas accès au marché de l’emploi notamment car elles n’ont pas les bases en informatique. L’alphabétisation peut aussi se faire à travers des logiciels. Nous viserons d’abord les localités du Sud Ouest : Coteau Raffin, Le Morne, La Gaulette, Bel Ombre… Mais rouler un tel bus a un coût que nous évaluons à Rs. 4 millions pour l’investissement de base (achat du véhicule et aménagement intérieur) et Rs. 2 millions pour les frais de fonctionnement annuel.
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