Officiellement lancée le 25 novembre dernier, La Déchetèque réunit pour l’heure en ligne quelque 150 individuels et une quinzaine d’entreprises, désireux de disposer de manière éco-responsable de matériel de construction en surplus ou non-utilisés, ou de s’approvisionner en matériel seconde-main à moindre coût. Rencontre avec Stéphanie Bouloc, fondatrice et Managing Director de la plateforme.
De l’idée présentée au Climate Launch Pad en 2020 (que vous avez remportée) à la concrétisation du projet via un lancement officiel fin novembre 2021, la plateforme La Déchetèque a parcouru un bout de chemin. Parlez-nous de La Déchetèque.
Il s’agit d’une plateforme en ligne d’économie circulaire dont l’objectif est de valoriser les matériaux de construction par leur réutilisation. La plateforme “La Déchetèque » s’adresse aux industriels de la construction et aux particuliers qui ont chez eux, soit du matériel non-utilisé, soit un surplus de stockage, ou bien des matériaux déjà utilisés qui peuvent encore servir (un pot de peinture, des planches de bois, etc) ; et leur permet de vendre ce matériel ou surplus à d’autres industriels ou particuliers qui eux cherchent à acheter du matériel moins cher.
Concrètement, si je suis un particulier et que je souhaite utiliser la plateforme, comment je procède ?
Il vous faudra d’abord vous enregistrer sur le site et remplir un formulaire en ligne. Ce sera gratuit pour le particulier et il y aura des frais pour les industriels qui eux gèrent des volumes beaucoup plus importants. Une fois que le contact aura été établi entre les deux partis (celui qui vend et celui qui achète), les arrangements de transport se font entre eux.
Depuis fin novembre vous avez combien d’adhérents ?
Nous avons plus de 150 individuels inscrits et 15 grosses entreprises adhérentes. Et nous avons pour l’heure à peu près 200 produits. Les items qui partent très vite sont ceux qui sont les plus faciles à utiliser. Pour les choses un peu plus spécifiques (items de plomberie, climatisation etc), cela prend un peu plus de temps car les entreprises ou contracteurs n'ont pas encore le réflexe de venir acheter sur la plateforme. C’est ce qu’on note pour le moment.
C’est un projet qui était plein de challenges dès le départ dans la mesure où il fallait pouvoir répertorier sur un même espace des acteurs de la construction et des particuliers engagés dans des projets de construction/rénovation. Quels ont été les autres difficultés de ce projet ?
Ce qui a été difficile, ça a été le processus de décision au niveau des entreprises contactées ;entre le moment où nous avons rencontré les personnes clés et noté leur intérêt pour le projet, et celui où elles placent effectivement leurs produits sur la plateforme, il y a un long temps qui s’écoule.
Et puis, hormis de leur présenter le projet, les consultations préalables que vous avez établies avec les entreprises ont permis d’effectuer une analyse des ressources disponibles dans l’entreprise en question et qui pourraient faire partie des items à placer sur le site ?
Oui, puisque j’offre aussi un service de consulting aux entreprises et j’interviens de temps en temps, à leur demande, pour accompagner la démarche de celles qui souhaitent entrer dans l’économie circulaire ou développer leur stratégie ou leur vision de développement durable.
Quelle est votre définition de l’économie circulaire ?
A l’inverse de l’économie linéaire qui consiste à acheter, consommer puis jeter, l’économie circulaire évoque la démarche de réfléchir avant d’acheter un nouveau produit pour savoir si on en a vraiment besoin, et celle de tout faire pour que ce produit ne se retrouve pas à la poubelle ou sinon, qu’il soit jeté au dernier moment. C’est-à-dire que s’il est cassé, on le répare ; si on ne l’utilise plus, on le revend ou on le donne. Il s’agit de prolonger son cycle de vie pour qu’il finisse au dernier moment au recyclage, soit lui ou sinon ses composantes.
Pensez-vous que la conscience collective sur la question de l’Economie Circulaire s’éveille de plus en plus ?
Je pense qu’on en est au démarrage mais la conscience collective, oui, est bien engagée. Economiquement c’est intéressant de savoir qu’on peut prolonger le cycle de vie d’un matériel et les entreprises sont très conscientes du besoin d’être plus durables dans leur approche. Et puis il y a plein d’entités qui sont dans cette démarche de prolonger les cycles de vie des produits de consommation et qui contribuent à l’économie circulaire, comme The Good Shop, Foodwise, par exemple. Selon moi c’est un domaine qui est en plein essor ici, et il y a plein d’initiatives, même s’il manque une certaine expertise.
Au-delà de sensibiliser sur la question de l’économie circulaire ou du recyclage, ne pensez-vous pas qu’il est important de sensibiliser et d’éduquer la population sur des questions plus basiques, comme celle du dumping, qui est un réel problème à Maurice ?
Absolument ; il faut deux choses - éducation et sensibilisation, c’est-à-dire aller dans les écoles etc, mais il faut qu’en parallèle les personnes visées aient des outils pour mettre en pratique ce qui est dit. Souvent des personnes sont séduites par un discours de sensibilisation mais au moment où elles veulent agir, elles n’ont pas de solutions concrètes, sur comment disposer de leurs affaires par exemple. Et ceci a été le fondement même de la plateforme « La Déchetèque » au moment où nous avions engagé la réflexion. Il existe des solutions pour le verre, le carton etc, mais pas pour la construction. Nous voulions apporter une solution claire plutôt que de juste énumérer ce qu’il faut ou ne faut pas faire.
Comment voyez-vous évoluer la plateforme dans quelques années par rapport aux besoins futurs ?
L’idée est de renforcer le service d’accompagnement aux entreprises et de les aider avec cette solution digitale que nous avons. Les accompagner dans leur réflexion sur l’impact Carbon et une utilisation plus durable de leurs matériaux. Nous prévoyons pas mal d’événements pour nous rapprocher du public et leur donner accès à des matériaux seconde-main. Peut-être sur le long terme, reproduire la plateforme dans des pays voisins. Nous avons, après tout, des problématiques similaires : les prix des matériaux qui augmentent de plus en plus, la gestion de déchets sur un territoire insulaire, etc.
En savoir plus sur La Déchetèque
Le projet La Déchetèque figurait récemment parmi les cinq finalistes du « Tech4Good Challenge » organisé par la French Tech Maurice en partenariat avec la CCIFM et la FINAM, une aventure qui lui permet de rencontrer des start-ups mauriciennes porteuses elles-aussi d’initiatives digitales qui ont du sens. Aujourd’hui l’équipe de La Déchetèque compte trois personnes et vise à grandir un peu plus. Stéphanie Bouloc a travaillé pendant une quinzaine d’années dans l’économie circulaire, notamment dans l’entreprise sociale et solidaire et la gestion des déchets, et a monté en France des recycleries qui visaient à donner une seconde vie aux encombrants. Elle est arrivée à Maurice il y a presque quatre ans.
Visitez la plateforme La Déchetèque au lien suivant : www.ladecheteque.mu