Travailler en milieu associatif est un choix de carrière particulier qui forge la personnalité, en plus de former à un métier entouré de dures réalités. Les 9, 10 et 11 février, ACTogether.mu fera partie des exposants du Mauritius University and Career Expo. L’occasion d’y présenter les métiers du social et les nombreuses options professionnelles qu’il est possible d’envisager en s’engageant socialement. Voici les témoignages de quelques personnes qui ont choisi le social :
Article paru dans la page Solidarité de l'Express du lundi 5 février 2018.
Partenariat La Sentinelle-ACTogether.mu.
Pravesh Kumar Guness, Médecin, T1 Diams
Pravesh Kumar Guness est médecin coordinateur de l’équipe médicale de T1 Diams, ONG spécialisée dans l’amélioration de la prise en charge du diabète de Type 1 chez l’enfant. En tant que tel, il fait le lien entre les enfants qu’il rencontre à l’association et leurs médecins habituels – qu’ils consultent dans le privé ou dans le public.
"J’effectue régulièrement des consultations à l’association, notamment des rencontres d’urgence avec les enfants dont le diabète n’a pas été correctement contrôlé et qui ont dépassé le taux « normal » de sucre. Je fais également l’éducation thérapeutique à raison d’une séance par mois par enfant pour leur expliquer ou réexpliquer ce qu’est le diabète de Type 1, que faire en cas d’hypoglycémie ou d’hyperglycémie, comment bien adapter ses doses d’insuline et comment bien s'alimenter quand on est un enfant atteint de diabète de type 1."
En novembre 2009, en première année de médecine à l’Université de Maurice, Pravesh Kumar Guness se rend à une journée d’activités dans le cadre de la Journée Mondiale du diabète. La mascotte de T1 Diams attire son attention et sous la marquise de l’ONG, il y fait la connaissance de Stephano, un enfant atteint du diabète de Type 1. Cette rencontre suscite chez lui un désir d’engagement et à partir de là, il fait trois ans de bénévolat chez T1 Diams, avant d’intégrer le Conseil d’administration de l’association.
« Puis, je me suis rendu à Bordeaux pour y poursuivre mes études de médecine. J’y suis resté trois ans, pendant lesquels j’ai intégré l’association « Aide aux Jeunes Diabétiques » (AJD) et en revenant tous les ans à Maurice pendant mes vacances, j’ai continué à aider T1 Diams sur ses camps diabétiques annuels, en leur apportant les connaissances que j’avais acquises à l’AJD. »
Après Bordeaux, il met le cap sur la Réunion pour terminer sa formation. « Je fais actuellement, en parallèle à mon travail chez T1 Diams, une dernière année à la Réunion pour y passer un examen d’équivalence, avant de me poser définitivement ! Mon but est de la faire de la pédiatrie, avec une spécialisation sur la prise en charge du diabète chez l’enfant. »
Depuis qu’il est actif chez T1 Diams, il a écrit plusieurs articles scientifiques pour décrire le travail effectué à l’association, avec l’objectif que ces articles soient publiés dans des revues internationales. « Dans le même esprit, nous envoyons depuis trois ans des « abstracts » à la International Society for Pediatric and Adolescent Diabetes (ISPAD) » Ceci a permis de créer des occasions d’échange entre le personnel de T1 Diams et les réseaux nternationaux et donc une occasion pour eux d’avoir une ouverture sur ce qui se fait à l’international.
« A Maurice, on pense que travailler en ONG, c’est uniquement faire du bénévolat. Or, les ONG regroupent des professionnels qui font un travail formidable et gratifiant. Venez dans le monde associatif, vous y verrez la vraie vie ! Il suffit juste de sortir de sa zone de confort ! »
Neetysha Sawoky, directrice, Friends in Hope
Depuis deux ans qu’elle est employée à Friends in Hope, association engagée dans la prise en charge de personnes atteintes de maladie mentale, Neetysha Sawoky y est au four et au moulin. Gestion administrative, recherche de financement, communication externe régulière pour tenir au courant des activités de l’ONG, organisation d’événements de levée de fonds, suivi de projets, etc… Autant de taches, parmi d’autres, qui font qu’aucun jour ne se ressemble !
Pour cette ancienne professionnelle issue du milieu du marketing, le milieu associatif oblige à relever simultanément plusieurs défis dans des conditions plutôt difficiles. « En même temps (en ce qui me concerne en tous cas) la persévérance, la détermination et l'envie d'aider les plus vulnérables sont des éléments clés pour faire face à ces obstacles et remonter la pente. » Ce qui lui apporte une immense satisfaction personnelle ! Sentiment d’ailleurs renforcé quand elle voit l’aboutissement concret du travail effectué par Friends in Hope, lorsque les bénéficiaires de l’association affluent au quotidien selon les activités proposées.
Oui, les opportunités d’emploi sont bien présentes dans les ONG, lance-t-elle. « C'est un choix et une décision que la personne elle-même doit prendre sans aucun regret », car il est un fait qu’une association ne peut offrir un salaire mirobolant à ses employés. « Mais je pense aussi que ceux qui veulent apporter une autre dimension dans leur vie professionnelle, faire une différence, apporter leur contribution peuvent très bien envisager cette option. »
Khatijah Ruhomutally, Responsable des projets, SOS Poverty
Après des études supérieures, des études professionnelles et 30 ans de carrière dans le secteur de l’Education à Maurice et en Angleterre, Khatijah Ruhomutally intègre en 2015 SOS Poverty, ONG spécialisée dans la lutte contre la pauvreté, en tant que volontaire. Un an plus tard, la Direction l’invite à piloter les projets de SOS Poverty.
Aujourd’hui Responsable des projets de l’association, elle gère plusieurs projets, de leur phase d’étude à leur réalisation. « Mon rôle consiste à m’assurer du respect des objectifs fixés, du budget alloué, du délai et de la qualité, tout en misant sur des procédures d’évaluation rigoureuses pour mesurer l’impact des projets et justifier les décisions prises vis-à-vis des financeurs et des bénéficiaires. »
La Responsable des Projets accompagne la Direction dans l’exécution de la mission de l’ONG et la concrétisation de sa stratégie associative. Elle présente les projets aux financeurs et aux volontaires pour sécuriser les ressources financières et humaines nécessaires à l’aboutissement des projets tout en privilégiant des partenariats ou des mécénats à visée long-terme. En sus de ces responsabilités, Khatijah Ruhomutally aide aussi à développer les compétences des nouvelles recrues au sein de l’association et agit comme « mentor » pour les aider à se professionnaliser aussi.
Elle explique que comme dans n’importe quel poste à responsabilité, il s’agit de se donner à fond pour obtenir, malgré les obstacles, les résultats anticipés. « Les bénéficiaires comptent sur notre professionnalisme pour les aider à résoudre leurs problèmes et nous ne voulons pas les décevoir. »
Outre le travail à SOS Poverty, Khatijah Ruhomutally dédie du temps à d’autres ONG et offre un service d’orientation éducationnelle et professionnelle à travers CarEd Advice (Careers Education and Guidance Services) en freelance. « La gestion de l’équilibre professionnel et personnel reste un atout qui me permet de garder le sourire malgré les obstacles. »
Elle conseille vivement aux jeunes d’explorer les ONG à travers le volontariat. Mais il est important de se découvrir un domaine spécifique car, dit-elle, « une association est gérée comme une organisation. Il y en a des petites où tout le monde fait tout, ou des grandes où il existe des départements spécialisés. »
Et que faut-il de plus que les compétences classiques pour travailler en milieu associatif ? « Cette …envie de servir, dirait Jean Lindsay Dhookit ! Oui, pour certains… ! Mais surtout : savoir se ressourcer, se réinventer, pour intégrer le monde des bénéficiaires afin de cerner leurs besoins et leurs aspirations. Plus facile à dire qu’à faire ! »
Patricia Yue, Directrice adjointe, Fondation pour l’Enfance Terre de Paix
Détentrice d’une licence en Social Work et d’un diplôme en relations publiques, Patricia Yue travaille depuis 16 ans à la Fondation pour l’Enfance Terre de Paix à Albion, association engagée dans la lutte contre la pauvreté avec un focus sur la famille et les enfants.
Actuelle directrice adjointe de l’association, son rôle comprend le suivi du travail administratif, de la comptabilité, des ressources humaines, de la coordination de chaque structure et des rapports hebdomadaires, les relations publiques (liaison avec le public, la presse, financeurs…), la préparation et soumission des rapports et projets aux financeurs, la coordination des nouveaux projets, réseaux sociaux, site web et blog ainsi que celle du centre de formation.
La satisfaction du travail en ONG est tirée, dans son cas, de plusieurs choses : « Je sens que je peux (bien sûr avec la collaboration de l’équipe en place) faire une différence dans la vie des enfants pour l’amélioration de leurs conditions de vies. Avec peu de moyens, on peut mobiliser les ressources pour atteindre l’objectif fixé (même si les résultats ne sont pas tout de suite visibles). De par mon activité professionnelle, je suis toujours amenée à me surpasser et je suis en apprentissage continu. Mon rôle étant multiple, il me faut toujours chercher et apprendre. »
Selon elle, pour travailler dans le monde associatif, « il faut avant tout croire dans la cause que l’on souhaite défendre et adhérer pleinement à la mission, la vision et les objectifs de l’organisation que l’on rejoint. » Cela demande diverses compétences, surtout, dit-elle, le « mindset » de toujours vouloir apprendre et la capacité à se remettre en question. « Le social n’a pas de recette magique – ce que nous pouvons apprendre en théorie à l’université c’est bien, mais il nous faut toujours être à l’écoute afin de pouvoir s’ajuster et recréer. »
Loveena Sungkur, Reintegration and Rehabilitation Officer, Association Kinouete
« Au sein de l’équipe, on se dit souvent qu’« aucun jour ne se ressemble » ! », explique Loveena Sungkur, Reintegration and Rehabilitation Officer à l’association Kinouete, spécialisée dans la réhabilitation et la réintégration des détenu(e)s, ex-détenu(e)s et jeunes du RYC et du CYC. « Cependant, ma journée à Kinouete est souvent composée de rencontres avec les détenus à la prison de Beau-Bassin ou dans le centre d’accueil à Palma. Nous établissons avec eux un plan d’action par rapport aux besoins de chaque individu, enclenchons les démarches administratives et rédigeons les rapports. »
En tant qu’officier responsable de la réhabilitation, en particulier pour les femmes en détention ou condamnée, son rôle, explique-t-elle, est d’assurer le suivi individuel avec les détenues et leur famille, incluant les enfants qui sont souvent affectés par l’incarcération des parents. « Je suis aussi chargée de la réhabilitation des ex-détenus à leur sortie de prison en effectuant un suivi psychosocial, des travaux administratifs, l’aide à la recherche d’un emploi et de les référer vers les services appropriés. Mes responsabilités incluent aussi de représenter l’association, de faire le plaidoyer et travailler en réseau avec des institutions telles que la prison, les ambassades et les ONG. »
Loveena Sungkur intègre Kinouete après avoir complété sa licence en « Law and Criminal Justice à l’Université de Maurice en 2015. « Durant mes trois années d’études j’ai fait des stages et du bénévolat au sein d’un cabinet légal et dans une ONG afin de gagner en expérience et en compétences. »
Elle explique encore : « En tant que personne, je ne peux pas changer le monde, mais je peux changer le monde d'une personne et cette idée me motive au quotidien. Certes, la réhabilitation de détenu est un parcours long et difficile et les obstacles - stigmatisation, rejet de la famille, chômage, influences et rechute - demeurent des réalités. » Kinouete donne les armes nécessaires à son personnel pour faire face à ces réalités. Ainsi, ajoute Loveena, l’ONG encourage l’équipe à suivre diverses formations telle que la communication non-violente, prendre soin de soi ou l’innovation sociale, ce qui l'aide tant sur le plan professionnel que personnel.
« Débuter ma carrière au sein du milieu associatif m’a permis d’être polyvalente car la hiérarchie y est moins stricte que dans d’autres milieux. J'ai appris à parfaire mes techniques d’écoute, de prévention, d’écriture de projets et à organiser des débats avec d’autres institutions. » Il est important, selon elle, pour travailler en milieu associatif, d’être doté de compétences personnelles telles le non-jugement, la stabilité émotionnelle, l’empathie et l’objectivité professionnelle. "Il est essentiel d’avoir un regard positif envers chaque bénéficiaire peu importe son passé et ses différences."