Depuis ces dernières semaines, les ONG restent près de leurs usagers par voies virtuelles, afin de garder le lien, maintenir la relation de confiance et essayer tant bien que mal de continuer à les soutenir dans leurs différents parcours. Les difficultés varient mais les besoins d’écoute sont unanimes.
Texte paru dans la Page Solidarité de l'Express du lundi 5 avril 2021
[partenariat ACTogether.mu - La Sentinelle Ltd)
Rythmées par une autre fréquence de fonctionnement, comme tout le pays, les ONG se sont adaptées. Encore. Fortes de l'expérience du confinement 2020, elles se sont appuyées sur les acquis de la dernière fois. En modifiant les actions qui ont moins marché et en anticipant pour celles qui, elles le savent, seront inévitables pour parer à ce qui attend leurs bénéficiaires sur les semaines à venir :
(i) répercussions économiques pour les familles vivant de métiers saisonniers et qui n’ont pas pu travailler pendant le confinement, bien que les plans d’aide de l’Etat aient été bienvenues ;
(ii) conséquences des interruptions abruptes de thérapies en profondeur, bien engagées depuis le début de l’année auprès de personnes issues de groupes divers – en situation de dépendance à la drogue et l’alcool, en situation de handicap physique et intellectuel, atteints de maladies mentales, en reconversion et réintégration économique et sociale, etc…
(iii) poussée de violences domestiques alimentée par des frustrations accumulées sur la durée, dans un contexte anxiogène qui ne favorise pas les capacités à gérer de manière saine des émotions telles que la colère.
Pour ce dernier point, les ONG et collectifs ont tenté, tant bien que mal, de placer des garde-fous, en faisant circuler parmi leurs bénéficiaires et au sein du public, divers outils, sous formes d’infographies en langage et codes visuels accessibles, de vidéos préventives pour sensibiliser sur les risques de céder à la violence au sein des foyers, ou en ouvrant leurs lignes téléphoniques pour permettre à des personnes de s’épancher dans les oreilles de professionnels de l’écoute active, déjà à l’œuvre tout au long de l’année au sein de leurs structures respectives.
Selon José Emilien, Président de Befrienders Mauritius, ONG de prévention contre les suicides, si l’année dernière, l’expérience du confinement, nouvelle pour les Mauriciens, faisait surtout remonter des angoisses liées à la peur de manquer de nourriture et de la Covid-19 elle-même, souligne-t-il, cette année-ci, les appels reçus du public tournent beaucoup autour d’un ras-le-bol général de cette situation, dont on croyait avoir vu le bout. « Je ressens dans les sessions d’écoute que j’ai animé dernièrement un sentiment de désespoir face à l’incertitude du lendemain, un sentiment d’être plongé dans une situation de plus en plus lourde à porter et à vivre. Face à cela, les petits soucis prennent une proportion énorme. » Une résilience qui baisse, remarque ainsi José Emilien, et un repli sur soi devant une relecture de sentiments similaires vécus l’an dernier.
De manière générale aussi, indique-t-il, les personnes commencent à avoir peur pour leur boulot, plusieurs ayant perdu leur job à la suite du dernier confinement, et cela constitue un traumatisme en soi. Tout ceci alimenté par le manque de socialisation, alors que l’être humain est un être social avant tout et que l’on prône la « distanciation sociale », au lieu de la « distanciation physique », qui serait un terme plus approprié, note José Emilien.
De plus, les soucis relationnels font partie des facteurs qui rendent la situation de confinement émotionnellement difficile pour les membres de la famille, aboutissant parfois sur des situations de violences domestiques ou des états dépressifs. Le tout découlant de plusieurs facteurs-liés : la promiscuité, le manque d’espace individuel physique et émotionnel, la sensation d’enfermement, les non-dits qui éclatent au grand jour, et des partenaires que l’on découvre parfois sous de nouvelles facettes.
« Comment trouver le juste milieu quand, par exemple, on est en pleine crise de la quarantaine/cinquantaine et que l’on doit gérer des crises d’adolescence ? », note Roseline Casset, directrice de l’Action Familiale. Cette ONG promeut l’harmonie et l’équilibre au sein de la famille, pilier de la société dans laquelle nous vivons, en accompagnant des couples et des familles pour les aider à mieux vivre ensemble.
Si l’équilibre de la famille est déjà fragile à la base, il est encore plus compliqué de bien gérer le fait d’être confiné chez soi en mode 24/7 alors que l’on avait l’habitude de vaquer chacun à ses obligations – école, boulot etc -, poursuit-elle. « Il y a, notamment, le cas des couples séparés qui se partageaient la garde des enfants ; où l’un ou l’autre, dépendant de chez qui étaient les enfants à l’annonce du confinement, se retrouve subitement à tout gérer seul alors qu’il n’en avait plus l’habitude. Il y a parfois, l’ingérence de la belle-famille à gérer aussi, si l’on vit tous ensemble. »
Important donc, d’accompagner les personnes en détresse psychologique pendant et après cette période. Les conséquences de la dernière fois sont encore fraîches et certaines personnes s’en remettaient à peine. Julien Quenette, Président de la SPP (Société des Professionnels en Psychologie), abonde dans ce sens ; avoir une écoute psychologique gratuite et accessible est important pour accompagner les personnes pendant le confinement, surtout celles qui n’ont pas les moyens de se payer les services d’un professionnel. La SPP travaille en ce moment à mettre sur pied une ligne d’écoute professionnelle gratuite avec la plateforme en ligne Mauridoc.
Et pour Christiane Valéry, formatrice et psychothérapeute de l’Approche Centrée sur la Personne, « dans la détresse générale, ce que je vois c’est qu’il y a l’attente de quelque chose de mieux. Ne perdons pas de vue que la vie évolue dans une nouvelle direction et les gens doivent être préparés. Nous avons tous en nous les ressources adéquates pour avancer, la possibilité d’aller vers cette nouvelle manière de comprendre le monde et l’opportunité en nous d’aller de l’avant dans un monde qui s’ouvre et qui est disposé à faire de la place à de nouveaux talents. » Donc, souligne-t-elle, on peut trouver aussi du bon dans le confinement, « ce moment peut être vécu comme un réveil à soi, à qui nous sommes, à ce que cela révèle en nous et ce que nous allons en faire. »
Hotlines et lignes d’écoute disponibles :
(texte mis à jour - mardi 6 avril)
Autres points de contacts d’ONG pendant le confinement :
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