Un demi-siècle à sillonner les quartiers vulnérables de Maurice, au contact des gens, jeunes, moins jeunes - tous d’une richesse inestimable selon ses dires -… Edwige Dukhie a 71 ans et est Programme Coordinator au MPRB (Mouvman Progre Roche-Bois), son quartier d’adoption qu’elle affectionne particulièrement. Rencontre.
Vers l’âge de 15 ans, Edwige Dukhie a un premier aperçu du travail social lorsqu’elle rejoint « Ames Vaillantes », une organisation humanitaire au sein de laquelle elle passe un petit bout de temps. Un peu plus tard, alors qu’elle est âgée de 20 ans, Edwige, jeune mariée et jeune maman, intègre le circuit de l’Action Familiale. Pas pour y travailler mais pour bénéficier avec son époux, de conseils sur la vie de couple et la vie de famille, qui est toujours l’un des axes des services offerts par l’Action Familiale.
« En parallèle, j’ai rejoint mon mari sur ses engagements au niveau de la paroisse. » Puisqu’elle reçoit à cette même époque des formations sur la gestion de la vie de couple au sein de l’Action Familiale, son implication au niveau de la paroisse prend la forme d’animations de sessions de groupes avec les couples. Elle intervient aussi comme bénévole au sein de l’Action Familiale et finit par être engagée par l’ONG. Elle y restera jusqu’à ses 67 ans, remplissant tour à tour des fonctions d’éducatrice, de responsable de région, de responsable de zone et de coordinatrice nationale.
En 1993, lorsque le MPRB (Mouvman Progre Roche Bois) prend naissance à la suite d’un ras-le-bol des habitants de Roche-Bois de ne pas être entendus et écoutés par les autorités (ces dernières avaient décidé de convertir un terrain de volleyball, une école maternelle et un centre communautaire en garage municipal, alors que ces espaces de loisirs étaient très utilisés par les habitants de la localité), elle s’intéresse au Mouvement et intègre le groupe qui se met en place.
« J’aime Roche-Bois et je ne comprends pas la stigmatisation qui est associée au quartier encore aujourd’hui. Partout il y a de belles choses et de moins belles mais pour Roche-Bois, on ne parle malheureusement pas beaucoup des success stories et moi j’en connais plusieurs. Il y a beaucoup de jeunes qui ont évolué professionnellement. Il y a des chanteurs, des sportifs, des jeunes qui travaillent dans le domaine de l’aviation, qui sont employés en banque, dans la police ou dans les ressources humaines. Et puis il y a un côté très familial ici, tout le monde se connaît et il existe un bon esprit d’entraide. »
Au sein du MPRB ces valeurs sont très présentes et Edwige adhère tout de suite à la vision de l’organisation, qui entend lutter contre la pauvreté par le biais de l’éducation (voir hors-texte) et des formations avec les parents pour les reconnecter au parcours académique de leurs enfants. Vers l’âge de 40 ans, en plus de travailler à l’Action Familiale, elle commence à travailler certains jours par semaine au MPRB.
Ainsi, il n’y a pas eu de déclic soudain pour la diriger vers le monde associatif, mais plutôt une incursion graduelle, subtile au début. Aujourd’hui, c’est l’immersion totale. Edwige a 71 ans et elle est toujours bien active sur le terrain. « J’ai beaucoup grandi au fil de mon temps passé dans l’univers associatif. J’aime me former à de nouvelles choses. J’ai appris à parler en public, à préparer et implémenter des programmes… J’ai voyagé en Afrique ; je suis beaucoup allée sur le terrain, dans les quartiers, et cela m’a appris à quel point le contact humain est important pour n’importe qui, et regorge de richesse. Chaque nouvelle rencontre m’apprend de nouvelles choses. J’ai aussi réalisé que parfois il suffit juste de prendre le temps de s’assoir et de discuter avec une autre personne pour faire débloquer des idées. »
Si elle se dit aujourd’hui étonnée de la lutte quotidienne que mènent les personnes bénéficiaires du MPRB, et admirative aussi de constater leur persévérance malgré les nombreux obstacles qui se dressent devant elles, elle est néanmoins heureuse de voir la réussite des jeunes suivis. « Il est vrai aussi qu’à cause des difficultés rencontrées dans l’enfance - dont la stigmatisation à différents niveaux de leurs vies d’enfants du fait de leurs situations de vie respectives -, certains de nos jeunes prennent du temps à réaliser les chances qu’ils peuvent avoir parfois (comme des offres d’emploi qui viennent à eux via le MPRB) et ont par conséquent du mal à saisir des opportunités si elles se présentent. Ce sont des jeunes qui veulent avancer mais n’osent pas aller de l’avant. »
En tous cas, Edwige rentre chez elle tous les soirs, contente de sa journée. « Dans le social, on garde l’esprit jeune, tu restes émerveillée de la vie, tu vis la joie de rencontrer de nouvelles personnes, et tu vis pleinement le moment où tu te retrouves seule, dans le silence, lorsque tu rentres chez toi ; ce moment est important aussi. Tu apprends en gros à bien doser tes journées ! »
Services offerts au MPRB
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Projet « Zeness Konekte »
Parmi les récents projets mis en œuvre par le MPRB, le projet « Zeness Konekte » a été présenté samedi 7 mai dernier. L’idée : donner une image positive de Roche-Bois et contrer la stigmatisation vécue par les jeunes de Roche-Bois et des quartiers alentours. « Zeness Konekte » est un projet socio-économique qui vise à donner aux jeunes un accès à :
Il s’agit aussi de leur faire prendre conscience de leurs talents et des ressources dont ils disposent pour sortir de leurs situations de pauvreté, et ainsi, de raviver leur estime de soi tout en leur donnant des perspectives d’avenir et leur apprenant à devenir des citoyens actifs et éco-responsables. Le projet comprend, entre autres, des formations en leadership, sur les droits humains et civiques, sur l’art, l’écologie et la langue créole.
Plus concrètement, il s’agira des ateliers et formations suivantes étalé sur les prochains mois de l’année en cours : ateliers en deux sessions autour des métiers de la musique ; formation de base en six sessions sur les métiers MAO (Musique Assistée d’Ordinateurs) ; atelier en cinq sessions sur l’histoire de la langue Kreol Morisien et son évolution ; quatre sorties culturelles sur des sites historiques de Maurice ; formations sur le leadership communautaire ; formation sur l’art digital en six sessions ; ateliers « Trash to Music » avec Kan Chan Kin, artiste et activiste écologique qui recycle les déchets en instruments de musique (cinq sessions).
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