L’Exposition « Wow Mum » est un événement qui allie le monde de la céramique et celui de la sensibilisation à une cause sociale : celle de la transmission du VIH de la mère à l’enfant. Un projet qui fait sens en ce mois de décembre, dont le 1e jour marque la Journée Mondiale de lutte contre le Sida, et dans la lignée du 25e anniversaire de l’association PILS. Même si l’expo elle-même est prévue pour fin 2022, une des premières étapes de ce projet est de réunir les fonds nécessaires, d'où une collecte qui se tient actuellement à travers la plateforme de crowdfunding www.smallstepmatters.org. Rencontre avec Marie-Laure Ziss-Phokeer, qui allie ici deux de ses passions : la céramique et le social.
Vous avez choisi de vous associer à PILS pour marquer avec elle son 25e anniversaire à travers un axe bien précis : la sensibilisation du public à la transmission du VIH de la mère à l’enfant. En quoi cette cause vous interpelle-t-elle particulièrement ?
Lors de mes 6 années en tant que coordinatrice pour le site ACTogether.mu, j'ai sillonné les ONG du pays (y compris Rodrigues) et j'ai pu constater que certaines causes avaient moins de visibilité que d'autres. C'était le cas notamment du handicap SAF (Syndrome d’Alcoolisation Fœtale) et de la transmission du VIH de la mère à l'enfant. De plus en tant que membre du KDZM (Kolektif Drwa Zanfan Morisien), j'ai défendu particulièrement le Droit à la Santé des mineurs. Les enfants, qui malheureusement n'ont que de rares occasions d'être parties prenantes des plaidoyers qui les concernent... Et pour les nourrissons nés avec le VIH c'est logiquement impossible.
Vous préparez donc une exposition sur cette thématique dans le médium que vous maitrisez, soit la céramique… Donner une dimension artistique à une cause plus ou moins sensible est un bon moyen selon vous de toucher le public visé ?
Je l'espère ! En matière de stratégie de communication grand public, il faut sans cesse se réinventer, innover... Et j'essaie d'apporter ma contribution à une cause nationale en m'appuyant sur les mediums que je maîtrise, la céramique et l'écriture de « human stories »... Mon objectif, si les fonds sont suffisants, serait de créer une exposition itinérante, soit une semaine dans une galerie d'art en décembre 2022, puis si possible dans des centres commerciaux, des cliniques privées, des centres de santé publique... à Maurice et pourquoi pas à Rodrigues. Plus les Mauriciens seront touchés par cette exposition et sa dimension humaine, plus nous aurons de chance d'atteindre ensemble l'Objectif Zéro (NDLR : zéro nouvelle infection, zéro décès lié au sida et zéro discrimination).
Très concrètement, sous cette exposition qui s’intitule « Wow Mum », les bols et les sculptures en argile seront créés sur le thème de la maternité et du VIH, à partir de moules en plâtre, apposés directement sur le ventre de femmes enceintes vivant avec le VIH. Pouvez-vous expliquer les différentes étapes de ce projet ?
Grâce aux ONG partenaires (PILS, AILES...), la première étape visera à identifier les femmes modèles et à leur expliquer leur rôle d'ambassadrices volontaires et anonymes d'une grande cause. Les dix femmes enceintes vivant avec le VIH qui accepteront de faire mouler leur ventre en plâtre ne pourront bien entendu pas être identifiées à travers les céramiques, qui seront par la suite réalisées et exposées. A partir du moule en plâtre de Paris apposé sur le ventre chez elle ou dans une ONG, une sculpture en argile blanche sera réalisée à mon studio (Artzil) à Albion. Ensuite viendront les différentes étapes de création pour aboutir à son éclat final, l'aspect brillant de la céramique. Les créations seront mises en vente, en décembre 2022, intégralement pour lever des fonds pour PILS et un projet spécifique visant la prévention de la transmission du VIH de la mère à l'enfant.
L’exposition sera aussi une manière de donner la parole à ces femmes souvent stigmatisées, en retrait, et qui ne sont pas toujours des participantes actives de leur propre prise en charge médicale. Au-delà de cette mise en lumière qui leur donnera une voix, qu’espérez-vous que cette expérience leur apporte ?
Les femmes vivant avec le VIH que j'ai eu l'opportunité de rencontrer voulaient bien qu'une personne racontent leurs parcours de vie. J'espère que les femmes enceintes partenaires comprendront la démarche et que le fait de raconter leurs difficultés et espoirs pour leur bébé à naître aidera à les lancera dans un processus d'empowerment.
Aussi, cette exposition de "ventres" montrera "les différents visages du VIH" puisque je cible différents profils de femmes modèles vivant avec le VIH : des femmes vivant dans la précarité ou des femmes qui sont dans l'obligation de suivre leur traitement VIH dans le système public mais qui accouchent dans des cliniques privées... Pour toutes, la stigmatisation a les mêmes implications : elles choisissent de vivre en retrait, refusent de révéler leur statut sérologique à leur propre mari, y compris pendant une période de conception ou de grossesse. Périodes même où au contraire, elles auraient besoin du soutien de leurs proches.
